Il existe plus d'une stratégie pour se syndiquer. Beaucoup de syndicats existants prennent l’approche de représenter tous les travailleurs appartenant à un corps de métier ou commerce spécifique, à travers plusieurs industries. C’est le cas de la SAG-AFTRA, le syndicat représentant aux États-Unis les acteurs de doublages et autres professionnels des médias à travers tous les secteurs, y compris l’industrie du jeu vidéo. Ces syndicats sont généralement désignés comme "syndicats de métiers".
Il existe aussi des syndicats appelés "syndicats industriels" qui cherchent à organiser les travailleurs au sein d’une industrie, qu’importe leur métier, en poussant la main d’oeuvre de chaque compagnie à syndiquer leur lieu de travail, puis à se joindre aux autres dans le syndicat industriel. C’est le cas de la UAW (United Auto Workers) pour tous les travailleurs dans l’industrie automobile aux États-Unis, par exemple. Trouver quelle approche prendre, et quelle est la meilleure stratégie, peut dépendre du contexte spécifique auquel font face les travailleurs, le cadre légal variant beaucoup d’un lieu à l’autre et la situation pouvant être différente selon que des syndicats en mesure d’apporter support et ressources existent dans d’autres industries ou non. Mais il est important de garder à l’esprit ces deux points :
1) La syndicalisation commence toujours par une organisation sur le lieu de travail. Un syndicat de métier peut avoir beaucoup de membres, et un syndicat peut être officiellement et légalement reconnu, mais s’il n’y a aucune forme d’organisation prenant place sur le lieu de travail, les patrons qui y gouvernent n’ont aucune raison d’entrer en négociation. Ces patrons peuvent même faire attention à n'embaucher que des non-membres, pour ne jamais avoir à se soucier du syndicat. C’est seulement à travers une implication active des travailleu·se·rs sur leur propre lieu de travail qu’un changement réel est possible pour l’industrie.
2) Les travailleurs sont toujours plus forts lorsqu’ils s’unissent. La division entre les employés a tendance à être construite par leur opposition centrale avec les patrons. Par exemple, dans beaucoup d’industries, les patrons donnent un traitement préférentiel aux cols blancs, afin qu’ils n’agissent pas en solidarité avec les cols bleus qui tentent de se syndiquer, mais cette opposition est artificielle, et une conséquence de la plus profonde division entre travailleurs et patrons.
Sur le long terme, les travailleu·se·rs ont tout à perdre en se laissant être divisé·e·s ainsi. D’autre part, nous sommes tous gagnant·e·s à travailler ensemble et se supporter mutuellement dans nos diverses luttes. Les testeu·se·rs QA, les traduct·rices·eurs, les travailleu·se·rs dans les manufactures de consoles, et tous les autres travailleu·se·rs du jeu doivent faire partie de l’effort pour créer une meilleure industrie du jeu vidéo, afin que celui-ci soit un succès. Les travailleu·se·rs privilégié·e·s ont la responsabilité d’utiliser leur position pour supporter les efforts d’organisation auprès des travailleu·se·rs qui luttent le plus. “Déjà être dans une bonne situation” n’est pas une excuse pour ne pas se syndiquer.